09 octobre 2020 • FED Group • 3 min

On le sait, les demandes de rappels d’heures supplémentaires sont présentes dans la majorité des procédures prud’homales. Non concernées par l’application du barème Macron, les heures supplémentaires peuvent représenter des condamnations très conséquentes et constituent pour les entreprises un aléa judiciaire non négligeable. Un des arguments en défense consiste pour l’employeur à contester avoir donné son accord pour la réalisation d’heures supplémentaires. Dans un arrêt du 8 juillet 2020 (Cass. soc. 8-7-2020 n°18-23.366 F-D) ,la Cour de cassation juge, pour la première fois, que la mise en place d’un logiciel de pointage informatique équivaut à un accord au moins implicite de l’employeur à la réalisation d’heures supplémentaires.

Rappel :
La décision de recourir aux heures supplémentaires constitue une prérogative de l’employeur, relevant de son pouvoir de direction. Toutefois, le salarié peut prétendre au paiement d’heures supplémentaires s’il établit que la réalisation de ces heures a été rendue nécessaire par les tâches lui ayant été confiées (Cass. soc. 14-11-2018 no 17-16.959 FS-PB et no 17-20.659 FS-PB).

A défaut, seules les heures accomplies à la demande de l’employeur ou avec son accord implicite ouvrent droit à rémunération (Cass. soc. 20-3-1980 no 78-40.979 ; Cass. soc. 30-3-1994 no 90-43.246 D ; Cass. soc. 2-11-2016 no 15-20.540 F-D).

Tel est le cas, notamment, du salarié ayant accompli régulièrement, pendant une longue période, des heures supplémentaires, au vu et au su de l’employeur qui ne s’y est pas opposé (Cass. soc. 19-6-1974 no 73-40.670 ; Cass. soc. 31-3-1998 no 96-41.878 P), ou encore, lorsque le salarié établit lui-même des fiches de temps à la demande de l’employeur (Cass. soc. 19-1-1999 no 96-45.628 P ; Cass. soc. 10-5-2000 no 98-40.736 D).

Nouvelle précision de la Cour de cassation:
Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 8 juillet 2020, l’employeur faisait grief aux juges du fond de l’avoir condamné au paiement d’heures supplémentaires, en faisant valoir que le salarié n’avait pas, avant l’accomplissement desdites heures supplémentaires, sollicité et obtenu son autorisation expresse dans les formes et selon les modalités prévues par les procédures applicables dans l’entreprise, de sorte que cela l’aurait privé de la faculté de se prévaloir d’un accord implicite.

Telle n’est pas la position de la Cour de cassation, qui juge que la cour d’appel a pu déduire, peu important l’absence d’autorisation préalable, l’accord au moins implicite de l’employeur après avoir constaté que le salarié produisait les relevés de pointage des heures supplémentaires telles qu’enregistrées dans le logiciel informatique mis à disposition par l’employeur, ainsi informé des heures de travail effectuées.

A retenir:
Dès lors que l’entreprise est dotée d’un système de pointage informatique, l’employeur ne peut ignorer l’existence d’heures supplémentaires et est considéré comme avoir donné son accord implicite à leur réalisation. Pour les employeurs ayant mis en place un système de pointage informatisé, s’opposer au paiement des heures supplémentaires enregistrées par les relevés de pointage sera désormais mission quasi impossible.

La solution – et de nombreux logiciels de pointage ont déjà la possibilité de le prévoir – est de veiller à installer un système d’alerte lorsqu’un salarié dépasse son temps contractuel de travail; il appartient alors à l’employeur de réagir s’il ne souhaite pas que le salarié effectue d’heures supplémentaires au-delà de celles prévues au contrat.


Elise Dangleterre
Avocat à la Cour 

www.mouydangleterre.com